Patriarches et Prophètes
Chapitre 70
Le règne de David
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À peine monté sur le trône, David se mit à la recherche d’un site plus convenable pour en faire la capitale du royaume. Son choix se fixa sur une localité située à trente-trois kilomètres au nord d’Hébron. Avant l’occupation du pays par Josué, ce lieu s’appelait Salem. C’est près de là qu’Abraham avait manifesté envers son Dieu toute la profondeur de son obéissance et de sa foi. Huit siècles avant le couronnement de David, « Melchisédec, sacrificateur du Dieu Très-Haut », y avait habité. Ce site, entouré de collines, occupait dans le pays une position élevée et centrale. Placé sur la limite des tribus de Benjamin et de Juda, à peu de distance de celle d’Éphraïm, il était d’un accès facile aux autres tribus.
Pour s’emparer de cet emplacement, les Hébreux devaient en déposséder un reste de Cananéens qui s’étaient fortifiés sur les collines de Sion et de Morija. Cette place forte s’appelait du nom païen de Jébus, et ses habitants les Jébusiens. Durant des siècles, on l’avait considérée comme imprenable. Elle fut assiégée et prise par Joab, qui, en récompense, fut nommé commandant en chef des armées d’Israël. Jébus devint alors la capitale de Canaan sous le nom de Jérusalem.
Hiram, roi de l’opulente ville de Tyr, sollicita l’alliance du roi d’Israël et lui offrit ses bons offices pour l’érection d’un palais à Jérusalem. A cet effet, il lui envoya de Tyr des ambassadeurs accompagnés d’architectes, d’ouvriers, ainsi que d’une caravane de chariots chargés de bois précieux, notamment des cèdres, et d’autres matériaux de grande valeur.
L’affermissement rapide du royaume de David réuni sous un seul sceptre, la prise de la forteresse de Jébus et l’alliance avec Hiram provoquèrent de nouvelles hostilités de la part des Philistins. Ils envahirent le pays d’Israël avec une forte armée et s’établirent dans la vallée des Géants. En attendant les ordres de Dieu, David et ses hommes se retirèrent dans le fort de Sion. « David consulta l’Éternel et lui demanda: Monterai-je à la rencontre des Philistins? Les livreras-tu entre mes mains? L’Éternel répondit à David: Monte; car certainement, je livrerai les Philistins entre tes mains. » (2 Samuel 5:17-25) David engagea alors immédiatement la lutte contre ses ennemis et les mit en déroute, emportant les idoles qu’ils avaient amenées avec eux pour s’assurer la victoire.
Humiliés et exaspérés de cette défaite, les Philistins réunirent une armée plus considérable, et, une seconde fois, « ils se répandirent dans la vallée des Géants. David consulta l’Éternel, qui lui répondit: Tu ne monteras pas; tu les tourneras par derrière, et tu les atteindras du côté des mûriers. Et quand tu entendras un bruit de pas dans les cimes des mûriers, alors hâte-toi; car à ce moment même l’Éternel marchera devant toi pour attaquer le camp des Philistins depuis Guéba jusqu’à l’entrée de Guéser. » « La renommée de David se répandit dans tous les pays, et l’Éternel le rendit redoutable à toutes les nations. » (1 Chroniques 14:16, 17)
Solidement assis sur son trône, délivré des invasions, David put s’occuper d’un dessein longtemps caressé: amener à Jérusalem l’arche de Dieu qui, depuis bien des années, était restée à Kirjath-Jéarim, ou Baalé de Juda, à quinze kilomètres de Jérusalem. Il était convenable que la capitale fût honorée par le symbole de la présence de Dieu.
Voulant que cette circonstance fût l’occasion d’une solennité imposante et de grandes réjouissances, « David rassembla tous les hommes d’élite d’Israël, qui, au nombre de trente mille », répondirent joyeusement à son appel. Le grand prêtre, ses frères dans le ministère, les princes et les principaux des tribus s’assemblèrent à Baalé de Juda. On sortit l’arche de la maison d’Abinadab et on la plaça sur un chariot neuf traîné par des bœufs.
La multitude suivait en jouant de la musique et en poussant des cris de triomphe. Par monts et par vaux, l’imposante procession poursuivit sa marche vers la sainte cité. « David et tout Israël dansaient devant Dieu avec une grande ferveur, en chantant et en s’accompagnant de harpes, de lyres, de tambourins, de cymbales et de trompettes. » (Voir 2 Samuel 6) Il y avait longtemps qu’on n’avait vu une telle allégresse en Israël.
« Quand ils furent arrivés à l’aire de Kidon, Uzza étendit la main pour retenir l’arche, parce que les bœufs allaient tomber. Le courroux de l’Éternel s’enflamma contre Uzza, et il le frappa, parce qu’il avait porté la main sur l’arche; et Uzza mourut là devant Dieu. » Une soudaine terreur se répandit parmi la foule en fête. David, étonné et alarmé, s’en prit, dans son cœur, à la justice de Dieu. N’avait-il pas voulu l’honorer ainsi que son arche, symbole de sa présence? Pourquoi donc ce terrible châtiment venait-il transformer une scène de joie en un jour de deuil et de tristesse? Craignant d’amener l’arche près de sa demeure, David décida de la laisser là où elle était. On lui trouva un emplacement non loin de là dans la maison d’Obed-Edom, le Guittien.
Uzza avait été frappé à mort pour avoir violé un ordre très explicite donné par Dieu à Moïse au sujet du transport de l’arche. Nul, sauf les prêtres descendants d’Aaron, n’avait le droit de la toucher ou même de la contempler à découvert. Il était écrit: « Ils couvriront l’arche du témoignage. ... Alors les enfants de Kéhath viendront pour l’emporter; et ils ne toucheront point les choses saintes, de peur qu’ils ne meurent. » (Nombres 4:5, 15) Une fois l’arche recouverte par les prêtres, les Kéhathites devaient la soulever par des barres passées dans les boucles fixées à ses côtés. Les Guerçonites et les Mérarites, qui avaient la charge des draperies, des parois et des colonnes du tabernacle, avaient reçu de Moïse des chariots et des bœufs pour transporter ces objets. « Mais il n’en donna point aux enfants de Kéhath, parce que, étant chargés du service des objets sacrés, ils les portaient sur leurs épaules. » (Nombres 7:9) Le transfert de l’arche hors de Baalé de Juda avait donc été effectué en violation flagrante et inexcusable des prescriptions divines.
Cette tâche sacrée s’était accomplie, tant par David que par le peuple, avec ferveur et dans la joie. Mais Dieu n’avait pu accepter cet hommage, étant donné qu’il n’avait pas été rendu selon ses ordres précis. Les Philistins, qui ignoraient les préceptes divins, avaient renvoyé l’arche à Israël sur un chariot neuf, et Dieu avait eu égard à leur bonne volonté. Mais les Israélites, qui possédaient des instructions détaillées à ce sujet, déshonorèrent Dieu en négligeant de s’y conformer.
En outre, Uzza était coupable d’un péché plus grave. La conscience chargée de péchés non confessés, il avait en partie perdu le sentiment de la sainteté de la loi divine et ne craignit pas de porter la main sur le signe de la présence divine. Le Seigneur n’agrée pas qu’on obéisse partiellement à ses commandements ni qu’on les prenne à la légère. Par le châtiment d’Uzza, il voulut faire sentir à tout Israël l’importance d’une stricte conformité à ses ordonnances. La mort d’un homme, en ramenant le peuple au respect de sa loi, pouvait prévenir le châtiment de milliers de personnes.
Par la mort d’Uzza, David, conscient de n’être pas entièrement en règle avec Dieu, avait conçu une grande frayeur de l’arche et craint de s’attirer quelque châtiment du ciel. Mais Obed-Edom, quoique en tremblant, accueillit avec joie et empressement ce symbole sacré comme un gage de la faveur divine assurée à tous les cœurs obéissants. Aussi toute la maison d’Israël tourna dès lors les yeux vers le Guittien, et l’on constata que Dieu avait « béni Obed-Edom et toute sa famille ».
Le châtiment divin accomplit son œuvre dans le cœur de David. Il comprit mieux la sainteté de la loi de Dieu et la nécessité de la suivre strictement. La prospérité dont la maison d’Obed-Edom était l’objet lui fit espérer que la présence de l’arche pourrait être en bénédiction à lui et à son peuple.
Au bout de trois mois, il fit une seconde tentative pour transférer l’arche à Jérusalem. Mais il eut soin, cette fois, de se conformer ponctuellement aux instructions du Seigneur. De nouveau, on rassembla les principaux du peuple. Une grande foule se réunit autour de la demeure du Guittien. Avec un soin respectueux, l’arche fut placée sur les épaules des hommes désignés pour cette tâche, et l’immense procession, non sans ressentir un saint effroi, se mit en route. Après qu’on eut fait six pas, la trompette sonna une halte et, sur l’ordre de David, « on sacrifia un taureau et une bête grasse ». La frayeur fit alors place à la joie. Ayant déposé ses vêtements royaux, le roi avait endossé un simple éphod de lin comme en portaient les prêtres. En agissant ainsi, David n’usurpait pas les fonctions sacerdotales car d’autres que les prêtres pouvaient revêtir l’éphod. En ce jour où Dieu seul devait être adoré, le roi voulait se présenter devant le Seigneur de la même manière que ses sujets.
Bientôt, le vaste cortège se remit en route au son d’une fanfare composée de divers instruments accompagnés de milliers de voix humaines. Animé d’un saint transport, David marquait le rythme de la musique, il « sautait et dansait devant l’Éternel ». On a cité cet exemple pour justifier la coutume moderne, si populaire, de la danse. Mais l’acte du roi David n’a pas le moindre rapport avec les danses nocturnes et sensuelles de notre époque, divertissement où l’on sacrifie au plaisir sa santé et sa moralité.
Les habitués du bal et des salles de danse ne songent pas à adorer Dieu. La prière et les cantiques y seraient déplacés. Ce fait à lui seul prouve le contraste entre les deux genres de danses. Les chrétiens ne peuvent participer à des amusements qui ont pour tendance de diminuer leur amour des choses saintes et leur joie dans le service de Dieu. La musique et les danses offertes à Dieu en tribut de louanges, à l’occasion du transfert de l’arche, n’avaient aucune ressemblance avec la dissipation qui caractérise la danse moderne. D’un côté, on s’attachait à glorifier Dieu; de l’autre, on adopte une invention de Satan ayant pour but de porter les hommes à l’oublier et à le déshonorer.
La procession triomphante qui suivait le symbole sacré du Roi invisible d’Israël arriva en vue de la capitale. A ce moment, un hymne retentit. Il avertissait les sentinelles postées sur les murailles d’ouvrir les portes de la ville. Il disait:
Portes, élevez vos voûtes!Un chœur accompagné d’instruments demanda alors:
Ouvrez-vous toutes grandes, portes éternelles,
Et le roi de gloire entrera.
Qui est-il ce Roi de gloire?Un autre chœur répondit:
C’est l’Éternel, le fort, le puissant,Des centaines de voix s’unirent ensuite pour chanter le refrain triomphal:
L’Éternel, puissant dans les batailles.
Portes, élevez vos voûtes!À nouveau se fit l’interrogation joyeuse:
Élevez-les, portes éternelles!
Et le Roi de gloire entrera.
Qui est-il, ce Roi de gloire?Et la voix de la multitude, s’élevant comme le mugissement de la mer, répondit avec enthousiasme:
C’est l’Éternel des armées;Les portes de la ville s’ouvrirent alors toutes grandes. Le cortège y pénétra, et l’arche fut déposée avec respect sous la tente érigée pour la recevoir. Dans l’enceinte sacrée, on éleva des autels pour les sacrifices. La fumée des offrandes de prospérité et des holocaustes, comme les nuées d’encens qui accompagnaient les prières et les actions de grâces d’Israël, montèrent vers le ciel. Le service terminé, le roi prononça lui-même une bénédiction sur tout le peuple. Puis, avec une munificence toute royale, il fit distribuer des rafraîchissements à la multitude. Toutes les tribus d’Israël avaient été représentées dans la célébration de cette journée, qui fut la plus solennelle du règne de David.
C’est lui, le Roi de gloire.
(Psaumes 24:7-10)
L’Éternel est vivant! Béni soit mon rocher!Dans tous ses cantiques, David souligne le fait que c’est l’Éternel qui est sa force et son libérateur:
Que Dieu, mon libérateur, soit exalté!
Ce Dieu m’assure la vengeance;
Il m’assujettit les peuples...
Tu me délivres de mes ennemis;
Tu m’élèves au-dessus de mes adversaires;
Tu me sauves de l’homme violent.
C’est pourquoi je te louerai, ô Éternel, parmi les nations,
Et je psalmodierai à la gloire de ton nom.
L’Éternel accorde au roi, son élu, de grandes victoires;
Il exerce sa miséricorde en faveur de son oint,
De David et de sa postérité, à perpétuité.
(Psaumes 18:46-51)
Ce n’est pas au nombre de ses soldatsLe royaume d’Israël avait alors atteint les limites promises à Abraham et répétées plus tard à Moïse: “Je donne ce pays à ta postérité, depuis le fleuve d’Égypte jusqu’au grand fleuve, au fleuve de l’Euphrate.” (Genèse 15:18; Deutéronome 11:22-25) Israël était devenu une nation puissante, respectée et redoutée des peuples qui l’environnaient. Dans l’intérieur de ses Etats, l’autorité de David était incontestée. Il jouissait, comme peu de souverains, de l’affection et de la fidélité de son peuple. Il avait honoré Dieu: Dieu l’honorait en retour.
Que le roi doit sa victoire;
Ce n’est pas à sa grande force que le guerrier doit son salut.
En vain, pour triompher, on compterait sur le cheval:
Toute sa vigueur n’assure pas la délivrance.
C’est toi qui nous as délivrés de nos oppresseurs,
Et qui as couvert de honte nos ennemis.
Les uns se glorifient de leurs chars, d’autres de leurs chevaux;
Mais nous, c’est du nom de l’Éternel, notre Dieu.
(Psaumes 33:16, 17; 44:5-8; 20:8)